Le réensauvagement, un espoir pour l’abeille noire ?

Article paru en janvier 2023 dans le premier hors-série d’Abeilles en liberté : L’Abeille noire, un bien commun.

Une domestication récente et partielle

Un animal domestique se définit par l’appartenance à une espèce ayant subi des modifications par sélection de la part de l’homme. C’est un animal qui, élevé de génération en génération sous la surveillance de l’homme, a évolué de façon à constituer une espèce, ou une race, différente de la forme sauvage primitive dont il est issu1.  On distingue dans cette définition deux aspects à la domestication : le contrôle de la reproduction de l’espèce, et la manipulation de l’environnement dans lequel elle évolue.

Dès la naissance de l’agriculture en Mésopotamie, le contexte d’évolution des abeilles mellifères a commencé à être influencé par l’homme, qui leur a procuré de nouvelles formes d’habitat (pots en argile ou paniers) qu’il décidait de regrouper en ruchers sur un lieu choisi par lui-même2. Les conditions de vie de ces abeilles à miel se sont alors progressivement éloignées de celles des colonies sauvages. Cette ambition de contrôle de l’environnement des abeilles a continué de s’accroître au fil des millénaires, aboutissant à la transhumance actuelle de colonies exploitées sur de très longues distances.

La maîtrise de la reproduction des abeilles mellifères est en revanche très récente et reste partielle, à la différence d’autres espèces totalement domestiquées comme les bovins. Il a fallu attendre la fin du XIXe siècle pour que la rationalisation et le progrès scientifique donnent aux apiculteurs les moyens d’altérer le patrimoine génétique de leurs colonies. C’est d’abord l’invention de la ruche à cadres mobiles Langstroth qui a permis de pénétrer à l’intérieur des colonies et d’y prélever des alvéoles royales, afin de produire des reines « de qualité » pour des colonies jugées faibles, ou de créer de nouvelles colonies3. Puis l’apiculteur Gilbert M. Doolittle a été le premier à mettre au point des méthodes d’élevage de reines en 1889. Ses travaux ont été suivis par ceux de Lloyd R. Watson qui dans les années 1920 a conçu les outils et techniques de l’insémination des reines, permettant ainsi une sélection artificielle des mâles et une capacité de contrôle total de la reproduction des abeilles.

Thomas Seeley note que le processus de domestication produit des organismes capables de prospérer dans des environnements gérés par l’homme, mais qui ont des difficultés à survivre dans la nature. Or, dans certaines conditions les abeilles demeurent capables de vivre toutes seules. Par ailleurs, l’insémination artificielle est loin d’être pratiquée par la totalité des apiculteurs. La fécondation des reines continue donc à se faire la plupart du temps en vol par les faux bourdons. Il convient donc de parler d’une espèce semi-domestiquée. Les colonies sauvages ou férales échappent à ce contrôle partiel des apiculteurs sur la reproduction et le contexte d’existence de leur cheptel. Elles choisissent seules leur habitat, essaiment quand elles le veulent, et assurent les conditions de leur survie sans aucune « aide ».

Aucune protection pour les espèces domestiques

L’abeille mellifère peut donc être considérée à la fois comme sauvage et domestique. Mais pour des raisons économiques et juridiques, Apis mellifera appartient juridiquement en France à la catégorie des espèces domestiques selon l’arrêté ministériel du 11 août 2006. Le Code de l’environnement définit les animaux domestiques comme appartenant à des populations animales sélectionnées ou dont les deux parents appartiennent à des populations animales sélectionnées. Avec cette définition, on pourrait différencier l’abeille noire non sélectionnée des abeilles hybrides comme la Buckfast, ce que ne fait pas l’arrêté ministériel de 2006 qui s’appuie sur l’édition de 1976 des Insectes de France de Mickael Chiney et sur l’avis de la Commission nationale de la protection de la nature4.

Ce statut d’animal domestique empêche juridiquement de reconnaître l’abeille noire comme une espèce menacée, ce qui permettrait d’obtenir certaines protections, comme l’interdiction de la marchandisation de l’espèce ou la préservation de son milieu naturel5. À l’heure actuelle, Apis mellifera mellifera ne peut pas faire l’objet d’une préservation contraignante au sein des parcs nationaux ou des réserves naturelles. Ces derniers pourraient pourtant constituer des outils d’encadrement local d’introduction d’autres sous-espèces, et donc prévenir le phénomène d’hybridation naturelle qui conduit à la disparition progressive de notre abeille locale.

Réintroduire la sélection naturelle

Si les espoirs d’obtenir une protection juridique pour les sous-espèces locales sont pour l’instant plutôt minces, un autre chantier est lui bien lancé : celui du changement de regard et de pratiques vis-à-vis des abeilles mellifères. Nous sommes aujourd’hui de plus en plus nombreux et nombreuses à reconnaître que leur domestication partielle a mené à leur affaiblissement. Dérangements incessants, transhumances fatigantes, nourrissements au sucre, manipulations génétiques, diffusions et concentrations de pathogènes… La responsabilité des pratiques apicoles dans la fragilisation de l’espèce est pour le moins évidente. Face à ce constat, un peu d’humilité s’impose. Depuis plus d’un million d’années, la sélection naturelle a façonné l’abeille noire, lui permettant de survivre à deux glaciations et de résister à de multiples parasites et prédateurs. Pourquoi ne pas avoir confiance dans ce processus pour permettre à l’espèce de s’adapter aux défis d’aujourd’hui et de demain ? Cela implique peut-être à court terme de lourdes pertes, qui viennent nécessairement heurter nos sensibilités et nos intérêts économiques. Mais différentes expériences montrent que l’espoir renaît assez vite.

Ce statut d’animal domestique empêche juridiquement de reconnaître l’abeille noire comme une espèce menacée, ce qui permettrait d’obtenir certaines protections, comme l’interdiction de la marchandisation de l’espèce ou la préservation de son milieu naturel.

Sur l’île de Gotland en Suède, une étude a été menée en 1999 dans le but de découvrir si varroa destructor était en capacité d’éradiquer des abeilles à miel européennes dans un secteur isolé, où les abeilles ne sont pas soumises à un contrôle de l’essaimage, ni ne bénéficient de traitement acaricide. 150 colonies de souches génétiques diverses furent installées sur une île de 3 200 km2 en mer Baltique, à 50 km des côtes suédoises. Chaque colonie, au départ dépourvue d’acariens, fut infestée artificiellement par une soixantaine d’acariens. Les colonies ne furent dérangées que quatre fois par an. Quatre années après le début de l’expérimentation, seules 8 colonies sur 150 étaient toujours vivantes. On peut parler d’une hécatombe ! Mais lors de la cinquième année, la moitié des ruches essaimèrent et la mortalité hivernale se réduisit. La population recommença à croître progressivement. Au bout de 15 ans, elle s’était stabilisée entre 20 et 30 colonies autonomes, ce qui correspond environ à une densité d’une colonie pour 1,2 km26.  Il semblerait donc qu’en seulement cinq ans, les abeilles mellifères soient en mesure d’acquérir une capacité de coexistence avec le varroa. La sélection naturelle a permis aux colonies les mieux dotées génétiquement de survivre et de transmettre leurs gènes aux générations suivantes.

Zones de réensauvagement

Le réensauvagement tel que nous l’entendons ici, ne consiste pas à laisser les colonies se débrouiller totalement, sans rien changer aux paramètres dans lesquels se déploient aujourd’hui les apicultures professionnelles et en amateur, à savoir la concentration des colonies sur un rucher, leur surdensité par rapport aux ressources mellifères et aux pollinisateurs sauvages, et le recours à des pratiques très interventionnistes. Au contraire, il s’agit justement de donner toutes les chances aux abeilles en reproduisant des conditions de vie proches de leur état sauvage : éloignement des colonies entre elles, habitats plus petits et si possible en hauteur, préservation de l’intégrité du nid, perturbations minimales, essaimages naturels et fréquents7… Concevoir des zones de réensauvagement qui respectent ces principes permettraient aux abeilles mellifères de renouer avec les conditions optimales de leur survie : leur environnement d’adaptation évolutive8. Les caractéristiques génétiques des abeilles les plus résistantes et les plus adaptées au milieu auraient toutes les chances de se transmettre au sein de la population d’abeilles se reproduisant ensemble, et ainsi reprendre progressivement et naturellement le dessus sur les critères issus de la sélection artificiellement dirigée. On peut légitimement supposer que le riche héritage d’Apis mellifera mellifera serait à cet égard préservé. Car lorsque les conditions environnementales d’adaptation évolutive des abeilles mellifères sont majoritairement réunies, la population d’abeilles vivant à l’état sauvage (ici relativement isolée des apiculteurs de rendement), sait s’adapter en quelques années, par elle-même, en dehors de toute intervention, ce qui prouve sa résilience.

Malheureusement là encore, dans le cadre d’un projet de restauration des écosystèmes, outre la méconnaissance du cortège des pollinisateurs sauvages endémiques, l’absence de protection juridique contraignante de notre sous-espèce indigène d’abeille mellifère est un frein à la mise en place efficiente de ce type de projet. Car avec l’apiculture conventionnelle, malgré de solides connaissances techniques, les scientifiques observent que la pratique généralisée de la transhumance, (entraînant brassages génétiques, diffusion de pathogènes, et surconcentration d’abeilles mellifères sur un lieu donné), peut vite saper l’efficacité d’une telle démarche. Pour commencer, il convient donc d’effectuer un important travail de terrain pour détecter des zones relativement isolées de l’apiculture de rendement, loin des allées et venues des colonies transhumantes et des traitements systématiques, où des souches localement adaptées et survivant sans l’aide de l’homme pourraient voir le jour, se reproduire entre elles et ainsi conserver leur patrimoine. Rendre l’abeille noire au monde sauvage auquel elle appartient, il se pourrait bien que la survie de l’espèce se joue là.

Références

  1. service-public.fr « Animal domestique, sauvage, apprivoisé, de compagnie : quelles différences ? »
  2. Thomas Seeley, L’abeille à miel. La vie secrète des colonies sauvages. p 74
  3. Ibid. p. 79
  4. Rapport Projet « Beelaw », POLLINIS et Sciences Po
  5. Ibid
  6. Thomas Seeley, L’abeille à miel. La vie secrète des colonies sauvages. p. 203
  7. https://www.pollinis.org/publications/lapiculture-darwinienne-selon-thomas-seeley-vers-une-approche-evolutive/
  8. Un environnement d’adapation évolutive désigne les conditions environnementales optimales pour qu’une espèce puissent transmettre à sa descendance les caractères d’adaptation qu’elle acquiert selon le principe de la sélection naturelle. Le concept d’ « environnement d’adaptation évolutive » vient de The Environment of Evolutionary Adaptation. Ce terme a été inventé par John Bowlby en 1969 et fait référence aux conditions présentes dans l’environnement lorsque les adaptations d’une espèce ont été naturellement sélectionnées.

47 Comments

  1. Bonjour, vous n’avez pas raconté la fin de l’expérience de Gotland, ils ont été obligé de traiter les colonies suite à une forte infestation varroa, car ils voulaient garder ces souches..
    Pour moi faire des belles photos avec des ruches tronc pour prétendre défendre l’abeille c’est assez ‘marketing’ et ça me dérange un peu. Pourtant j’ai moi même des ruches tronc cévenoles qui sont magnifiques..
    Vous allez me dire mais pourquoi réagir?
    C’est parce qu’il y a tout une mode des ruches ‘alternatives’, et ceux qui sont sensibles à ce discours assez lénifiant de mon pont de vue sont surtout les débutants.
    Je vends des essaims d’abeilles noires et on me sort souvent ce discours abeille noire – ruche warré – apiculture écologique. Ce sont des débutants naïfs qui veulent bien faire.
    La vérité est que si vous n’ouvrez pas un maximum de ruches, vous n’apprendrez rien de l’apiculture, vous ne saurez jamais comment vont vos abeilles et comment fonctionne une colonie au fil des saisons.
    Après être passé par là vous pourrez ouvrir de moins en moins car vous aurez acquis l’expérience de le faire.
    Le nombre de débutants que je vois laisser leur colonie crever par incompétence et bercés par le discours ‘eccolo’ ambiant ça me déprime.
    Mettez votre colonie dans une dadant en plastique et regardez, émerveillé, comment elle se développe, ouvrez, obervez, comprenez, pour le bien être de vos abeilles..
    La ruche dadant, faites en une table basse 😉

    • Bonjour Selley et merci pour votre commentaire, même s’il faut se concentrer un peu pour essayer de saisir ce que vous critiquez exactement dans cet article… Ce dernier synthétise en effet les enjeux du réensauvagement de l’abeille noire et évoque la réintroduction de la sélection naturelle envisagée comme facteur de régénérescence pour l’espèce. Au-delà, Lucile Quentin pose la question clé du statut de l’abeille mellifère et de sa prétendue domestication. L’article parle également du phénomène très problématique de l’introgression que vous connaissez certainement si vous élevez des abeilles noires, et donc des conditions d’hybridation quasi généralisées dans lesquelles s’exerce l’apiculture aujourd’hui en France et en Europe. Mais les ruches-tronc ne sont ici pas vraiment le sujet, encore moins les warrés, ni les autres modèles de ruches…

      J’ajouterais que celles et ceux qui font commerce de miel, de gelée royale, de reines ou d’essaims artificiels ne peuvent pas faire de leçon d’éthique et dénoncer la prétendue dimension « marketing » des projets de sauvegarde alternatifs de l’abeille mellifère.
      Prétendre sauver l’abeille en l’exploitant c’est aussi assez « marketing » comme vous dîtes.

      La question de « l’incompétence » est récurrente. Cela réduit la question de la santé des abeilles à une dimension technique, et suppose que, sans les bons soins d’experts, point de salut pour les abeilles ! Nous pensons différemment et nous essayons de documenter le fait que prendre soin des abeilles c’est prendre soin de leurs capacités d’adaptation.

      Les questions posées par l’article de Lucile Quentin sont tout sauf naïves et supposent au contraire de pouvoir prendre du recul sur l’apiculture de production, en convoquant d’autres types de connaissances qui ont à voir avec l’écologie scientifique, et en s’affranchissant d’une vision utilitariste et réductrice du lien à l’abeille. Pour tout vous dire, nous ne nous sentons guère concernés par les caricatures que vous évoquez « abeille noire – ruche warré – apiculture écologique ».

      Défendre des idées et des pratiques nouvelles comme nous le faisons à travers cette plateforme, ou dans nos publications papier, cela nous expose à la critique de ceux qui ont le monopole des usages, en particulier lorsqu’ils ne se sentent pas parties prenantes du problème du déclin des abeilles… Nous ne nous attendons pas à rencontrer la compréhension toute de suite, il n’y a pas de surprise de ce point de vue. Mais assimiler une démarche à une mode, c’est une manière de la décrédibiliser en faisant l’économie d’arguments valides.

      On entend souvent dire que l’écologie est une « mode » alors que c’est d’abord une tentative de résoudre un ensemble de problèmes posés par un mode d’organisation économique et social destructeur. Ce n’est pas évident de toujours distinguer les opportunistes de celles et ceux qui s’engagent vraiment, je vous l’accorde, mais tout réduire à un mouvement superficiel et intéressé c’est s’adonner à la caricature.

      • Bonjour, merci pour votre réponse
        Si mon propos n’est pas clair, alors je le reprécise: il concerne avant tout l’amour de l’abeille et sa santé. Je vois des apiculteurs débutants qui sont séduits par un discours pseudo écologique autour de l’abeille. Après ils déchantent quand leur colonies ne passent pas l’hiver. L’apiculture est technique, elle nécessite des connaissances, j’ai déjà vu des ruchers entiers décimés par manque de connaissances des apiculteurs et c’est ça qui me pose problème.
        Sinon, il y a quand même un aspect marketing derrière tout ça car j’ai vu que l’auteur du texte propose des cours de fabrication de hausses pour ruches tronc, donc il y a bien une mise en scène autour de la ruche tronc – abeille noire – apiculture sois disant écologique..
        Le tarif pour la journée est équivalent à un an de cours en rucher école classique..
        Quand on aime l’abeille, on peut pratiquer une apiculture raisonnée dans une ruche nicot en plastique. par exemple:
        – Ne pas mettre de hausse pour laisser la colonie essaimer et qu’elle ne gère pas un trop gros volume.
        – Laisser les abeilles construire leur propre cire, sans mettre de cire gaufrée, en laissant la colonie gérer le rapport males/ouvrières.
        – On peut partitionner la colonie pour ne pas qu’elle dépasse la taille de celles observées dans la nature (autour de 40l).
        – On peut choisir de laisser mourir sa colonie si l’infestation varroa est trop importante, mais au moins on est au courant, grâce au plateau mis sous la ruche qui donne une bonne indication du niveau d’infestation.
        – en soulevant la ruche on a une idée précise avec l’habitude des réserves hivernales.
        Mais surtout, le plus important: l’observation et la connaissance de l’environnement. Une belle miellée tardive en aout et pas besoin de nourrir.
        J’ai un rucher ou c’est le cas, il n’a jamais vu une goutte de sirop ou de candi.
        Mais encore faut il être au courant, et savoir observer..

        • Bonjour Seeley,
          Je crois que l’amour de l’abeille n’est pas le meilleur angle et que cela conduit à une impasse. Essayer de démontrer que l’on « aime » davantage que les autres alors qu’il s’agit là essentiellement d’un élan subjectif, n’entraîne qu’un débat stérile. On entend parfois les chasseurs déclarants « aimer » les animaux qu’ils tuent… et le pire, c’est que c’est sans doute vrai ! Dès lors, quelle valeur accorder à ce mot et pourquoi se battre pour en revendiquer le meilleur usage ?

          Ce qui est sans doute plus pertinent, c’est la question du maintien de l’intégrité physique de l’espèce Apis mellifera et de sa conservation en bonne santé. À ce sujet, nous sommes un certain nombre à penser que les conditions de ce maintien ne sont plus remplies aujourd’hui, et que certaines pratiques apicoles jouent un rôle important dans leur dégradation.
          Thomas Seeley a montré comment, en situation d’apiculture, on casse ou on empêche les processus biologiques qui maintiennent les abeilles en bonne santé. Jacques van Alphen a publié à ce sujet un article particulièrement instructif https://www.abeillesenliberte.fr/pourquoi-les-abeilles-meurent-une-cause-oubliee/.
          D’autres facteurs majeurs détruisent directement ou indirectement les abeilles — comme les pesticides utilisés en agriculture conventionnelle — mais certaines pratiques apicoles pourraient continuer de les affaiblir même si les épandages de pesticides étaient stoppés et leurs résidus nettoyés (rêvons un peu le temps d’une demi phrase…).

          De fait, certains défendent des pratiques apicoles différentes de celles qui sont dominantes à l’heure actuelle, en s’intéressant à ce que dit la littérature scientifique au sujet par exemple de la pollution génétique, des caractéristiques thermiques des ruches, des aptitudes à vivre avec Varroa destructor, etc. On trouve sur notre plateforme beaucoup de sources et de liens vers des études scientifiques tournées vers ces sujets de recherches.

          L’apiculture darwinienne est celle qui respecte le mieux le maintien de l’espèce en bonne santé, car elle invite à ne plus entraver ses fonctionnements écologiques et biologiques et cherche à favoriser ses capacités d’adaptation. Cela peut aller jusqu’au réensauvagement complet.

          Tout cela suppose de se défaire de l’emprise apicole productiviste sur les abeilles (focalisée sur l’extraction des produits de la ruche), mais surtout sur nos propres imaginaires. Cela suppose aussi de renoncer à cette illusion que l’on peut (et qu’il faut) « améliorer » les abeilles, que seule l’expertise apicole est à même de faire les bons choix, et qu’on en prend soin en les maintenant dans des conditions artificielles destinées à les exploiter.
          Les ruches en plastique sont symptomatiques d’une apiculture qui s’éloigne des conditions de vie naturelles des abeilles. En dehors du désastre mondial que représentent les résidus de toutes tailles des matières plastiques, ces ruches sont par exemple de vraies passoires thermiques. Si vous vous souciez du bien-être des abeilles vous serrez sûrement intéressé par le prochain article que nous publierons justement sur ce sujet, basé sur le travail du physicien Derek Mitchell.

          S’agissant de la dimension marketing, votre angle critique est assez curieux. Lucile Quentin serait selon vous principalement mue par l’appât du gain ? Elle aurait trouvé un nouvel « eldorado » avec le commerce extrêmement lucratif des hausses en paille ? Soyons sérieux !
          Il n’y a d’ailleurs pas lieu de renoncer à tout commerce lorsqu’on défend des idées et les pratiques associées. Animer des stages et mettre au point des supports pédagogiques font partie des outils qui permettent de faire exister d’autres visions des choses et de diffuser de la connaissance ; dans le cas de l’apiculture, c’est visiblement urgent !

    • Bonjour Selley,
      Je vous rejoins sur le besoin de formation des amateur.e.s qui s’intéressent aux abeilles mellifères et se sentent concerné.e.s par leur sauvegarde. Cela permet en effet de se lancer avec une plus grande connaissance du fonctionnement de l’espèce, de ses rythmes, de ses maladies et prédateurs, des pratiques d’accompagnement qui leurs sont bénéfiques, etc.
      C’est justement pour cette raison que j’organise des formations d’apiculture en ruche tronc, car je pense qu’il s’agit d’une réelle demande.
      Quand j’ai commencé à m’intéresser à l’apiculture il y a 8 ans, j’ai fait du wwoofing chez plusieurs apiculteurs professionnels en ruche dadant, et j’ai témoigné de beaucoup d’erreurs, de méconnaissances et de maltraitances, qui conduisaient également ces apiculteurs à perdre leurs colonies ou à altérer leur équilibre.
      Dire qu’il faudrait forcément démarrer par l’apiculture en ruche à cadres et ouvrir à tout va, cela revient à dire que les cévenols qui n’utilisaient que des ruches tronc n’avaient aucune forme de savoir.
      Aujourd’hui les gens achètent une ruche chez Botanic et s’inscrivent dans des ruchers écoles qui pour la majorité reproduisent les travers de l’apiculture productiviste et interventionniste.
      Autrefois les gens apprenaient l’apiculture en lisant une bibliographie très complète sur l’insecte abeille, et en accompagnant de façon répétée d’autres personnes avec plus d’expérience.
      C’est tout ce que je conseille aux débutant.e.s aujourd’hui :
      1. Se documenter de façon approfondie, par exemple à travers les publications d’Abeilles en liberté, avec des ouvrages comme « Observations sur la planche d’envol » qui permettent de comprendre beaucoup de choses sur ce qui se passe dans la ruche sans l’ouvrir.
      2. Se faire accompagner (sous forme de stages, de compagnonnage, de rucher école alternatif ou autre…) par des personnes qui partagent la même vision de l’abeille, pour bénéficier de leur expérience.

  2. Bonjour Lucile Quentin,
    Je reviens encore à mon message du 14/08 auquel vous avez répondu le 16/08. Nous sommes d’accord qu’on ne va mettre dans un « désert floral » ni ruches à cadres, ni ruches réensauvagése. Je n’avais pas parlé de désert floral, mais du Parc NR où je vis. Je vous disais que je constate une forte régression notamment des insectes. Je vous demandais si vous pouvez envisager la prospérité de ruches réensauvagées dans ces conditions. Personnellement je ne peux pas y croire. Il me semble que vous ne m’avez pas répondu.

  3. En réponse au texte de Lucile Quentin, voici encore quelques remarques :
    L’année 2024 a été très difficile pour les abeilles. L’année 2021 l’a d’ailleurs été tout autant. Aucune récolte n’a été possible, du moins dans ma région des Vosges . Le miel récolté en avril et mai par les ruches de production a été re-consommé par les abeilles tout au long de la saison en raison de pluies incessantes. Les ruchettes et essaims de l’année ont dû être nourris sans interruption.
    Dans ces circonstances, qu’en est-il des colonies réensauvagées ? Sans nourrissage par un apiculteur, la mortalité était garantie. Mais alors, une colonie «réensauvagée » qui est nourrie n’est plus une colonie sauvage.

    J’en conclus que le concept du réensauvagement de l’abeille devrait être revu. On prend le risque de laisser ces colonies mourir de faim, alors qu’on espère que la vie sauvage leur permettra de renforcer leur santé. N’aboutit-on pas ainsi au résultat inverse de ce qui était projeté ?

    • C’est là toute la différence quand on ne tire pas son revenu de l’apiculture. Si la saison est catastrophique :
      – Il n’y a pas lieu de faire une récolte en avril-mai pour redonner le miel en juin
      – Il n’y a pas lieu de créer artificiellement des essaims qui devront être nourris par la suite.
      Parfois la nature a juste assez pour elle-même, il n’y a pas de surplus pour nous. Je vois beaucoup d’apiculteurs se plaindre sur les réseaux sociaux d’une année 2024 catastrophique. De mon côté je n’ai jamais eu à nourrir. Certes la météo est plus clémente chez moi en Ardèche, mais un ami installé dans le Limousin (ultra pluvieux cette année) m’a fait le même retour. J’ai récolté 2-3 kg par ruche tronc, ce qui me paraît être une quantité tout à fait raisonnable et satisfaisante, et qui est déjà un magnifique cadeau de la part des abeilles, qui rappelons le, font ce miel pour elles mêmes.

  4. Pour information, je lance une page facebook dédiée aux ruches tronc et ruches tressées, ainsi qu’au réensauvagement des abeilles mellifères. Un simple outil pour partager du contenu utile, des images qui donnent de l’espoir, et les dates des prochaines formations.
    La page s’appelle Ruches Sauvages :
    https://www.facebook.com/profile.php?id=61560913634126

  5. Bonjour,

    Dans le sud j’ai implanté un essaim dans une ruche en liège. Essaim cueilli composé environ de 70% d’abeilles croisées ( Mix buck et noires assez fréquent par chez nous, je suppose ce mélange d’après leur taille, leur robe). Essaimage tardif( Mi mai), condition de sécheresse.
    En juillet à peu près la population s’inversait, 70% de noires. Pour à la fin de l’été, 100% des abeilles visibles hors ruche noires. Et plus petites de taille.
    J’ai pu observer des comportements d’épouillage, de sorties de larves bien blanches et d’attaque des frelons présents.
    Au printemps de cette année à nouveau un gros pourcentage de croisées, et depuis début mai, après une forte chute de population, à nouveau que des noires.
    Et un retour de comportement un peu plus gardiennes à la porte, style contrôle sanitaire.
    Je n’ai pas observé de syndrome des petites ailes sur les mortes ou les mourantes. Elles partent de la ruche en sautant au sol et ne volent plus. Elles marchent en s’éloignant généralement de la ruche. Cela ressemble un peu à des intoxications aux produits phytos. ( En les aspergeant d’eau, quand c’est dû aux phytos ou autres trucs chimiques, j’en ai vu vite repartir en vol. Là ça ne faisait rien.)
    Les restantes montrent une belle activité, si ce n’est la chute du nombre on ne dirait pas qu’il y a un problème.
    Pas de traitement, pas d’ouverture, je met à disposition parfois des infusions miellées de PPAM cultivées sur place, et des réserves d’eau avec des branches, des feuilles, des plantes, de l’argile verte.

    Je voudrais savoir si vous avez déjà remarqué ces fluctuations aussi marquées sur un essaim?
    Et avez vous vu ce type de chute de population ressemblant dans sa rapidité aux virus transmis par le varroa, sans que cela dégénère vite et complètement? Avec que des noires restantes(90%au moins des visibles à l’extérieur)?
    Y a t il des études sur ces changements de population au sein d’un même essaim?
    Y a t il des études sur une possible capacité de sélection des spermes en fonction des conditions climatiques et/ou d’habitat?

    Merci pour votre attention et vos éventuelles réponses 🙂

    • Bonjour Florent,
      Êtes vous certain que la colonie n’a pas essaimé en mai ? Qu’en est-il aujourd’hui ?

      • Bonjour Lucille,
        Merci pour votre réponse question 🙂
        Je ne suis pas certain à 100% qu’elles n’aient pas essaimé.
        Ce qui me fait pencher pour cette option c’est le nombre de mourantes qu’il y a eu les jours avant. C’est monté de façon exponentielle. Cela correspond aux symptômes des abeilles rampantes mais sans déformation des ailes.
        Et par la suite je n’ai pas remarqué de comportement qui pouvait signaler une absence de reine. Cependant je n’ai pas d’expérience d’observation d’une ruche juste après un essaimage.
        Les essaimages, en plus, ont été plutôt tardifs dans mon coin.

        A la suite d’une forme de stabilisation, il ne reste pratiquement que des noires ou sans signe de croisement flagrant extérieur. Elles ont repris des comportements d’épouillage à l’entrée et de sorties de larves.
        Elles ont une activité moyenne ( j’ai une autre ruche dans le secteur où la population est beaucoup plus importante en comparaison) mais une bonne présence à la garde ( épouillages et gestion des scarabées qui se collent à la grille). Si l’on ne se fie qu’au nombre et à l’activité je dirai qu’elles sont pas super en forme. Mais j’ai vu l’essaim resté petit longtemps quand je l’ai mis, et elles ne montrent pas de signe de stress particulier, d’inaction alors je dirai qu’elles vont plutôt bien.

        Ca fait comme ci un virus transmis par le varroa avait décimé une partie non résistante et que la diminution de population avait permis de retrouver des comportements d’adaptation au varroa. Je pense que celles restantes avaient des gênes adaptés, extérieurement cela s’est traduit par la disparition de la plupart des signes de croisement bucks. ( Je sais que le fait qu’elles soient croisées ne gênent pas toujours car j’ai vu un essaim installé depuis un moment, sans traitement, complètement croisé).
        Les stocks de miel faits alors que la population était importante ont peut être permis d’absorber le choc du manque de butineuses.
        Voilà pour son évolution du moment 🙂

        Bonne journée à vous

      • Difficile de poser un constat à distance sans avoir observé la ruche. Tant mieux si elles se portent bien, pourvu que cela dure !
        Pour répondre à vos questions :
        Oui une forte fluctuation est possible dans la saison. L’abeille noire en particulier est connue pour sa frugalité, liée à son histoire évolutive faite de glaciations. A la sortie de l’hiver, il ne reste parfois qu’une petite grappe d’abeilles, mais la colonie peut néanmoins grandir rapidement si les ressources sont présentes. En cas de manque de ressources, les abeilles noires peuvent également tuer des larves de leur propre colonie afin de conserver de quoi survivre et redémarrer quand la mauvaise passe sera terminée.
        La diversité des sous-espèces et des écotypes d’abeilles démontre qu’il y a effectivement une sélection des critères génétiques (autant chez les mâles que les femelles) en fonction des conditions climatiques, de la flore, etc. Maintenant l’environnement est tellement bouleversé par les introductions et interventions humaines qu’il est difficile de mener des études sur la « réadaptation » génétique des colonies.
        J’observe des colonies se « noircir » sur plusieurs années, signe que les conditions extérieures permettent de sélectionner de façon naturelle la génétique locale. Mais cela dépend évidemment de la présence ou non d’apiculteurs autour, de leur nombre de ruches et de leurs pratiques (notamment la race d’abeilles qu’ils utilisent).
        En espérant que cela répond à certaines de vos interrogations, bonne suite dans vos observations 🙂

  6. Mais sans doute est il trop tard en raison de la pollution génétique généralisée due à l’introduction d’abeilles hybrides, de chimères inadaptées, par des apiculteurs productivistes inconséquents à la recherche unique de rendements (financiers) à court terme.
    Sans parler des pesticides de toutes natures, responsables de l’hécatombe apocalyptique de la biodiversité! Un autre sujet…
    🙁

    • Je vous rejoins sur le constat d’une pollution génétique généralisée, mais tant qu’il y aura des abeilles qui vivent, je ne pense pas qu’il soit trop tard. J’ai chez moi une colonie qui entame sa 7ème année, sans traitement varroa, ni contrôle de l’essaimage. A l’origine c’était un essaim de buckfast. Au fil des années, la colonie s’est « noircie », regagnant potentiellement des critères d’adaptation locale. Pour ma part, je m’éloigne aujourd’hui d’une vision stricte de la conservation d’une race abeille noire génétiquement pure. Je crois qu’il faut partir du constat de cette hybridation généralisée que vous décrivez et accompagner une réadaptation locale via le laisser-faire. Néanmoins je vous concède que cela n’a de sens que dans des territoires relativement éloignées de l’apiculture de rendement, qui compromet la réussite d’un tel projet.

  7. Ça va être compliqué 99 pour cent des reines ou des essaims sont du bidouillage de remérage.d’abeilles facile à reproduire, mais qu’il faud entretenir,(nourrir et constamment, cette année).

    • Effectivement c’est une démarche qui a un véritable cout en terme de pertes de colonie, au vu de l’artificialisation de la population globale actuelle. Néanmoins cela n’est pas peine perdue, mais à mon sens incompatible avec l’obligation de rendement de l’apiculture de production dans notre modèle économique actuel. Personnellement je n’ai pas eu à nourrir constamment mes colonies cette année malgré un printemps froid et pluvieux, mais l’espoir d’une récolte sera peut-être compromis.

  8. J’en ai chez moi depuis des années, en pleine ville, et il n’y a pas de ruches à proximité. Ce sont donc des essaims sauvages 💛

  9. Comment dirait Yves Élie : même si vous n’avez pas d’abeilles noires, élevez-les comme des abeilles noires. Le réensauvagement c’est l’espoir pour tout!

  10. Ça ne fait pas plus d’un million d’année qu’on a le varroa et encore moins le frelon asiatique. Bon courage pour le réensauvagement… 😕

    • Bonjour. L’article de Lucile Quentin ne dit à aucun moment que le réensauvagement sera facile et, d’une manière générale, lorsque nous publions quelque chose sur le sujet nous nous efforçons d’être lucides sur ce point. Mais nous vous retournons volontiers cet encouragement : bonne chance à celles et ceux qui pratiquent l’apiculture en inhibant les capacités d’adaptation des abeilles mellifères !

  11. Vos articles sont toujours aussi intéressants Merci !🙂
    J’en apprends énormément.

  12. Pour ma part, je n’ai pratiquement que des abeilles de récupération. Plus c’est agressif et sauvage mieux c’est. Pour dire que c’est agressif, je n’ ai jamais réussi à marquer une seule de mes reines. J’utilise une combinaison intégrale, un jogging complet sur mon jean et elles arrivent encore à me piquer parfois 😂😂. Niveau gants, j’ai des cuirs et en dessous une seconde paire de gants fin pour travaux. L’enfumoir ? Un nuage de fumée elle n’ont même pas peur. L’ouverture des ruches ? Elles attaquent a 10 mètres 😂😂. C’est exactement ce que je recherche, j’ai perdu une fois la moitié de mes ruches en une seule journée à cause des FA, maintenant les abeilles douces pour moi c’est terminé. Je préfère me protéger en conséquence. Et pareil pour les vols de ruches, ils peuvent toujours essayer, ils vont pleurer, une combinaison intégrale ne suffit pas 😂😂😂😂

    • Des abeilles aussi agressives sont un danger pour le voisinage humain. Il faut considérer aussi que les mâles issus de ces colonies vont féconder des reines des ruches environnantes, ce que les apiculteurs n’apprécieront guère. Cela m’est arrivé à l’un de mes ruchers, et le voisinage s’en est plaint.

      • Le site d’Abeilles en liberté est un espace ouvert aux commentaires — qui peuvent cependant être modérés — et dans ce cadre-là, chacun est responsable de ses propos. Dit autrement, nous ne nous associons pas forcément à ce qui est affirmé… Sur le cas particulier qui est rapporté ici par Cyrille Pelletier, même si nous comprenons l’objectif recherché, nous n’encourageons pas ce type de pratique en raison des problèmes génétiques sous-jacents.
        En revanche, la question de savoir si cela s’apparente ou non à de l’apiculture nous semble hors de propos, c’est un positionnement excessif et autoritaire assez déplacé.

        En lisant ces commentaires, il apparaît par ailleurs utile de rappeler que ce qui est parfois désigné comme de l’agressivité peut aussi être appelé « comportement défensif » et que cela est utile aux abeilles ainsi qu’aux autres êtres vivants en milieu naturel. Les sélections opérées par les apiculteurs pour obtenir des abeilles douces (et améliorer ainsi leurs propres conditions de travail en considérant leurs seuls avantages) jouent sans doute un rôle dans les difficultés que rencontrent aujourd’hui les abeilles gérées en production à se défendre contre le frelon à pattes jaunes (Vespa velutina nigrithorax). Encore une fois, l’apiculture, et certaines pratiques en particulier, inhibent les capacités d’adaptation des abeilles mellifères.
        Dans des conditions où s’exercent pleinement la sélection naturelle, des abeilles en capacité de se défendre auront des avantages adaptatifs. Cela se vérifie par exemple chez les sous-espèces A. m. adansonii ou A. m. scutellata en Afrique, dans un milieu où les prédateurs sont nombreux.

        Par ailleurs, nous trouvons important de prévenir les amalgames qui pourraient être faits entre abeilles mellifère sauvages et abeilles agressives. Les colonies d’abeilles les plus agressives viennent souvent des hybrides de seconde génération et sont donc plutôt le résultat de l’hybridation quasi généralisée que l’on doit à certaines pratiques apicoles et au contexte dans lequel l’apiculture s’exerce le plus souvent chez nous. Puisque c’est le sujet initial de l’article, rappelons que les abeilles noires de souches pures ne sont pas particulièrement agressives. Elles sont sauvages et ne se conforment pas toujours aux exigences des exploitations, mais leur prétendue agressivité est une fable.

  13. N’étant pas professionnel, c’est pourquoi je suis me orienté vers la Kenyane et non la dadant. La méthode est moins invasive et plus respectueuse du fonctionnement naturel.

  14. Les écologistes sont friands des néologismes. Réensauvagement ???
    La vérité, c’est que les abeilles sauvages meurent toutes les unes après les autres.
    Pourquoi? C’est multi factoriel bien sûr, mais de mon propre avis en fonction de ce que j’ai lu:
    – Clairement le varroa est l’ennemi n°1, il décime toute les colonies sauvages
    – En deux l’environnement qui change à vitesse grand V, le climat est plus dur et les ressources moins nombreuses
    – En dernier la pauvreté génétique de l’abeille noire qui l’empêche de s’adapter à tout ces changements
    Voilà le débat est ouvert 😉

    • Merci pour votre commentaire Inod Bee. Vous avez raison de dire que le varroa — parasite importé par des apiculteurs — cause des dégâts spectaculaires. Mais vos lectures semblent pour l’instant insuffisantes et ne prennent pas en compte les synergies négatives entre varroa et pesticides, notamment. Contrairement à ce que vous affirmez, certaines colonies vivent très bien avec le varroa. Cela a été documenté sur l’ile de Groix par exemple et David Giroux parle également de ce sujet ici https://www.abeillesenliberte.fr/accueillir-et-proteger-ruches-de-biodiversite-chez-custos-apium/
      S’agissant des abeilles noires, vous lirez peut-être avec profit ce que dit Lionel Garnery au sujet de leur plasticité génétique, contredisant totalement ce que vous déclarez https://www.abeillesenliberte.fr/labeille-victime-de-lintensification-de-lapiculture/
      Les capacités de réponses rapides aux variations du climat de l’abeille noire sont bien documentées, les rendant particulièrement aptes à s’adapter aux évolutions climatiques évoquées dans vos propos.
      Concernant les néologismes, ils ont une fonction dans l’évolution d’une langue et il est peu probant que les écologistes en soient plus friands que les autres. Le cas échéant, vos sources seraient les bienvenues.

    • Stephane Bonnet vous a fait une réponse proche de celle que j’aurais eu à vous faire.
      Je vais simplement rajouter que nous connaissons probablement tous des colonies « sauvages » installées dans des arbres creux, des cheminées, des cavités diverses, qui survivent d’année en année, chaque printemps, parfois plus de 10 ou 12 ans, alors qu’aucun apiculteur n’intervient pour les « soigner », les manipuler, les nourrir ou les traiter.
      Il est vrai que personne ne vient les perturber ni leur retirer de leur nourriture.
      Ma remarque est surtout valable pour les colonies urbaines car en campagne, dans certaines zones de cultures, elles peuvent parfois être victimes, elles aussi, des pesticides agricoles.

  15. Plusieurs questions me taraudent :

    – Pourquoi a-t-on réuni des colonies de races différentes et non-pas des noires (ou approchantes) pour effectuer l’expérience de l’île de Gotland ?

    – Que sait-on sur la question de la masse critique de colonies rassemblées ou disséminées sur un territoire, au départ de toutes les tentatives de sauvegarde de l’abeille noire ?

    – Dans le cadre d’une tentative de sauvegarde de l’abeille noire, que sait-on de la superficie minimale ainsi que de la nature du territoire nécessaires pour espérer un développement du nombre de colonies noires ?

    – Doit-on impérativement démarrer une tentative de sauvegarde de la noire avec des colonies noires pures, plutôt rares, ou ne vaudrait-il pas mieux se contenter de noires plus ou moins batardes mais toujours relativement robustes, beaucoup plus faciles à se procurer ?

    – Vouloir en même temps sauvegarder la noire tout en la sélectionnant (sans traitements anti-varroas, donc…) pour sa résistance aux varroas, n’est-ce pas mettre la barre un peu trop haut, voire la garantie d’un échec assuré ?

    – Tant que l’on n’introduisait pas de races étrangères et que la reproduction se faisait par division et essaimage naturel, l’apiculture professionnelle a-t-elle affaibli la génétique de l’abeille noire et dans l’affirmative, en quoi l’a-t-elle affectée ?

    – …

    ..

    • Ce sont de bonnes questions ! Voici mes réponses :

      – Pour ce qui est de l’expérience de l’île de Gotland, l’idée d’Ingmar Fries était d’utiliser un échantillon représentatif d’abeilles élevées en Suède. En outre, il pensait peut-être qu’il obtiendrait ainsi la plus grande variation héréditaire possible au début de la sélection. (Cette dernière s’est avérée très décevante : sa sélection manquait des allèles pour l’hygiène varrao-spécifique. Par conséquent, ces allèles manquaient également dans la population suédoise d’abeilles élevées. Ces allèles avaient été perdus suite à la sélection par les apiculteurs d’abeilles hautement productives et non agressives).

      – S’agissant de la masse critique de colonies, les abeilles de la forêt d’Arnot, étudiées par Thom Seeley, avaient une population effective de 600 colonies. Nous savons que dans une telle population, la sélection naturelle fonctionne efficacement. On peut donc viser des zones ayant une capacité d’accueil de 600 colonies.

      – Pour répondre à votre troisième question, la superficie dépend de la qualité du paysage. En Europe occidentale, les densités d’abeilles mellifères varient de 0,5 à 3,5 colonies par kilomètre carré.

      – Sur la question du choix entre noire pure et noire hybridée, j’opterais pour la seconde solution et ferais confiance à la sélection naturelle. Si nous parvenons à éloigner les abeilles exotiques, la population d’abeilles ressemblera de plus en plus à l’abeille noire. Les apiculteurs de la région devront toutefois conserver principalement des abeilles noires pures. Les faux bourdons de ces colonies contribuent à rendre les abeilles sauvages plus noires.

      Concernant la résistance au varroa, là encore, il faut faire confiance à la sélection naturelle. Ici, dans la vallée de l’Oise, dans le nord de la France, malgré les abeilles Buckfast importées par les apiculteurs, il y a encore beaucoup d’abeilles sauvages. Elles ressemblent encore souvent à des abeilles noires et sont résistantes au varroa.

      – Pour répondre à votre dernière question : jusqu’à il y a 100 ans, les abeilles domestiques et les abeilles sauvages appartenaient à la même population. Les jeunes reines élevées s’accouplaient également avec des faux-bourdons provenant de colonies sauvages et vice versa. À cet égard, les abeilles mellifères sont comme les huîtres et les moules : sauvages et élevées. La sélection naturelle a toute sa place dans ce contexte. Tant que la population est assez nombreuse, il y a suffisamment de variations héréditaires.

      • @Jacques van Alphen

        Merci pour vos précieuses réponses, grâce auxquelles j’ai essayé d’imaginer ce que pourrait être une zone de protection/ré-ensauvagement de l’abeille noire dans mon secteur : le département du Var.

        A noter que je n’ai considéré QUE le problème de la reproduction et non-pas celui de la résistance aux varroas, qui pourrait également être projeté, de manière distincte et complémentaire.

        Par réalisme, je n’ai pas exclu les professionnels qui seuls, pourraient être en mesure de fournir une quantité suffisante de ruches,… le capital de départ, en quelque sorte…

        Avec ses 60 km de long entre Fréjus et Hyères et plus de 25 km de largeur moyenne (1500 Km2 et plus, selon les superficies environnantes que l’on pourrait y adjoindre), le massif des Maures, dans sa totalité, m’a immédiatement semblé être un espace adéquat, de part sa superficie, son relief, son climat, sa richesse botanique et sa position côtière, qui lui confère une semi-insularité sur toute sa grande longueur au Sud.
        Côté Est, la limite pourrait être le delta lacustre du fleuve côtier Argens (étangs de Villepey, géré par le Conservatoire du Litoral) ainsi que sa vallée qui longe la massif jusqu’à Vidauban, suivie plus à l’Ouest, jusqu’au Cannet des Maures, par la Plaine des Maures, pour plonger au Sud jusqu’à la ville de Hyères. Les limites pourraient être également constituées par les routes ou la voie ferrée reliant Fréjus à Hyères en passant par le Cannet des Maures et contournant le massif. Au total, il s’agit d’une superficie pouvant héberger entre 2000 et 4000 ruches, voire davantage, si l’on considère que les professionnels retireraient leurs ruchers de la zone, une fois passée la période principale des fécondations –disons à partir de la mi-Mai – pour rejoindre les Alpes et ensuite, vers la fin Juin, les champs de lavandes du plateau de Valensole : c’est le circuit classique de presque tous les apiculteurs, professionnels ou amateurs, dans la région.

        Sur cette base, que j’estime minimale en termes de contraintes, j’ai donc essayé de répertorier les obstacles qu’il faudrait surmonter pour réaliser un tel projet :

        – les rapports aux diverses administrations (nationales, préfectorales, communales,…) ;

        – la définition du statut d’une telle entreprise et son organisation pratique ;

        – l’ensemble des bouleversement qu’engendrerait cette démarche dans les pratiques apicoles des professionnels et des amateurs locaux, ceux qui utilisent déjà cette zone (en noires ou en hybrides…) mais également les autres, qui seraient intéressés par cette démarche…

        Tout cela exige une telle coordination que j’avoue que les bras m’en sont tombés…
        Au niveau administratif, c’est un véritable parcours du combattant. Quant à l’orgnisation, cela ressemble vite à “une usine à gaz“, dont on peut être certain qu’elle engendrera des frustrations dans le milieu professionnel, étant donné que le massif des Maures est déjà largement utilisé comme zone d’hivernage et de printemps. Par ailleurs, faire un tel projet sur une zone inintéressante pour les abeilles n’aurait pas de sens…

        Il m’apparaît clairement que sans une modification fondamentale de la loi définissant le statut de l’abeille comme “animal sauvage“ et interdisant l’importation de souches étrangères ainsi que toute sélection par insémination artificielle…, sans contraintes légales donc, aucun projet de ce type et de cette ampleur ne sera possible. Or, si la loi pouvait interdire ces pratiques délétères, il n’y aurait plus besoin de créer de réserves, grandes ou petites, puisque toutes les colonies présentes sur le territoire français deviendraient de plus en plus noires au fil des années et dans ce cas, seules des zones naturelles “sans traitements varroas“ resteraient pertinentes.

        Je ne suis sans doute pas le plus doué pour imaginer l’organisation d’un tel projet (appelons-le “Maures vivantes“ !^^) mais pour l’instant, il ressort de mes réflexions qu’il vaudrait mieux considérer le problème juridique comme LE PROBLÈME MAJEUR ET PRIORITAIRE auquel il faudrait s’attaquer.

    • Lorsque j’ai débuté l’apiculture en 1980, j’ai été notamment formé par une apicultrice allemande (dans la Lande de Lunebourg). Elle avait, vers 1945, 250 colonies logées dans des ruches à cadres. Elle perdait en moyenne 2 colonies chaque hiver. A l’époque il n’y avait pas encore d’épandages massifs de pesticides dans les cultures. Maintenant on vient nous raconter que ce sont les ruches à cadres qui seraient responsables du déclin de l’abeille.

      • Une comparaison entre la situation de 1945 et celle d’aujourd’hui est hasardeuse car le paysage apicole était alors très différent du paysage actuel à bien des égards : les apiculteurs travaillaient avec l’abeille noire, le varroa n’avait pas encore été importé, la densité florale était beaucoup plus importante, etc. Bien sûr les pesticides sont la cause n°1 du déclin des abeilles, il n’y a aucun doute là dessus. Nous venons simplement pointer la part de responsabilité des pratiques apicoles dans la fragilisation de l’espèce, parmi de nombreux autres facteurs. Ce n’est pas la ruche à cadres en elle-même le problème (j’en possède également), mais le niveau d’intrusion et de manipulation qu’elle permet. Déranger une colonie 5 fois ou plus au cours de la saison, ce n’est pas anodin, cela ajoute un stress supplémentaire à la colonie qui doit déjà faire face à de nombreux défis. Manipuler génétiquement une espèce à des fins de productivité et de douceur, ce n’est pas anodin non plus. Etc.

      • André, j’ai lu la plupart de vos commentaires, ne serait il pas réducteur de ne considérer l’abeille que par sa fonction productrice ? Vous semblez oublier que le réensauvagement une opportunité de régénérescence pour l’espèce Apis mellifera, ce qui peut même servir aux apiculteurs en bout de chaine. D’autre part l’abeille mellifère a près de 8 millions d’années d’existence et d’évolution à l’état sauvage.. De nombreux prédateurs ont précédé le varroa ou le frelon asiatique, mais vous considérez désormais qu’elles ne peuvent survivre sans notre intervention ?

    • Vaste question. Qui n’a pas su trouver de réponse dans le traitement chimique, après plus de 40 ans de tests divers. Amitraze, Coumaphos, Fluvalinate, Acides formique lactiques oxaliques, Huiles essentielles…etc… On réduit la populatin, jamais on ne l’élimine.
      Dans le même temps, on sélectionne mécaniquement les varroas résistants (ceux qui résistent aux traitements se reproduisent), et les abeilles les plus sensibles (puisque très peu de sélection sur l’hygiène à part pour quelques éleveurs)…

      Nous sommes dans une impasse.
      Il est possible qu’en imitant les défenses naturelles, que sont les essaimages et autres ruptures de ponte, nous ayons une sortie vers une sélection d’abeilles plus tolérantes au parasite. Cela vaut le coup d’essayer.
      Dans tous les cas, nous savons que l’apport de génétiques variées et fréquente est un frein à la résistance au varroa.

      • J’ai publié une « Méthode écologique de lutte anti-varroa » qui a été vendue par les revues apicoles qui ‘ont réservé le meilleur accueil.

  16. Il faudra d’abord former les gestionnaires forestiers et les agriculteurs qui éliminent systématiquement les arbres creux.

    • j’avais interrogé l’ONF à ce sujet, ils sont incompétents niveau biodiversité. Leur compétence c’est vendre du bois. Concernant les arbres creux ils ont, en théorie, une protection et peuvent être marqués couleur chamois. Cependant ils sont, à tord, considéré comme potentiellement dangereux pour les promeneurs ou malades et sont abattus

  17. Article très intéressant, qui souligne avec justesse l’importance de l’apport de « génétique artificielle », dans la difficulté a conserver des caractères de tolérance à l’acarien.

    • Merci pour cet article, qui vient apporter des compléments plus récents, et en effet quelque peu décevants. Néanmoins la conclusion logique que l’auteur tire de son observation ne me semble pas si évidente. L’échec d’une expérience ne peut donner lieu à un renoncement définitif. Notamment parce que les abeilles de Gotland continuent à vivre dans un contexte contrôlé par l’humain et éloigné par certains aspects de leur mode de vie à l’état sauvage. Les abeilles vivent dans des ruches à cadres, apparemment rapprochées les unes des autres (voir photo de l’article), et subissent des dérangements et intrusions fréquentes pour les besoins de l’étude (l’article mentionne notamment l’élevage de reines « résistantes »). Arrêter les traitements tout en conservant les autres paramètres de l’apiculture moderne ne semble pas être une direction souhaitable.

      • J’aimerais poser une question à Lucile Quentin :

        Vous défendez l’idée de « réensauvagement » de l’abeille mellifère. Je vis depuis 2001 dans un Parc naturel régional. J’ai constaté que la faune sauvage disparaît progressivement même ici. Les insectes notamment sont de plus en plus rares.

        Comment pouvez-vous, dans ces conditions, espérer que des abeilles « réensauvagées » pourraient rétablir leur santé si aucune intervention n’est prévue pour les suivre et les soigner.

        Je vous remercie d’avance pour votre réponse.

      • André Schwartz merci pour votre commentaire. J’habite également dans un PNR et la disparition de la biodiversité que vous constatez m’attriste aussi.
        Pour ce qui est de la préservation des espèces, ce n’est pas quelque chose qui peut se faire isolément. Sur un plan scientifique, on ne conserve pas une espèce en elle-même mais son milieu (son habitat, son régime alimentaire, etc). Par exemple on ne va pas chercher à soigner une grenouille, mais plutôt à maintenir la qualité des cours d’eau pour que les têtards puissent s’y développer, à contraindre les activités humaines qui présentent un danger pour la reproduction, etc.
        Il en va de même pour les abeilles si on les considère comme un espèce sauvage. Il faut agir à la fois sur leur alimentation (lutter contre les pesticides, densifier les paysages ruraux en fleurs…), leur habitat (maintenir des arbres, ne pas déloger les colonies installées dans les vieilles bâtisses) et leur reproduction (abandonner la sélection artificiellement dirigée, laisser les colonies essaimer, ne pas renouveler les reines).
        Bien sûr la biodiversité est un tout, et réensauvager dans un désert floral arrosé de pesticides n’a pas de sens.

  18. Voila une approche pleine de bon sens. Merci pour cet article qui met le doigt sur les nombreux atouts de notre abeille noire et sur les différents obstacles (économique, juridique, environnemental, pratiques apicoles, etc) qui l’empêche de s’exprimer pleinement dans sa capacité d’adaptation.

Les commentaires

Your email address will not be published.

Derniers articles de la catégorie Biodiversité

Visuel promotion du guide Observations sur la planche d'envol