Notre environnement (l’univers, la Terre et les êtres vivants) produit une multitude de champs électriques et magnétiques. Le couplage de ces deux champs constitue les ondes électromagnétiques dont toute variation d’un champ est « compensée» par l’autre. Ce système équilibré permet alors aux ondes électromagnétiques d’être stables sur de longues distances. De plus, les ondes électromagnétiques étant constituées de photons, elles se déplacent dans la même direction à la même vitesse que la lumière. Comme toute onde, les ondes électromagnétiques sont caractérisées par leur fréquence qui est proportionnelle à leur énergie, ce qui permet de les classer en deux catégories (Dron & Pavel, 2021) :
- Les ondes ionisantes qui ont une énergie suffisante (> 12,4 eV) pour arracher des électrons aux atomes rencontrés. Ces ondes allant de l’extrémité des ultra-violets aux rayons X et gamma sont radioactives et s’observent dans la nature dans le rayonnement solaire ou par désintégration de certains atomes. Dans notre société, les implications de ces ondes électromagnétiques sont nombreuses dans le domaine médical (imagerie, traitements) mais aussi dans la production d’électricité (réacteurs nucléaires) ou les armes atomiques.
- Les ondes non-ionisantes caractérisées par une énergie plus faible (<12,4 eV). Il s’agit des ondes allant des ultra-violets aux infrarouges telles que rencontrées dans le rayonnement solaire, mais aussi des fréquences très basses (0 à 80 Hz) engendrées par les êtres vivants. Elles sont également utilisées par les êtres vivants pour une meilleure perception de leur environnement (heure, orientation, météorologie, etc.).
Ce seront principalement les ondes électromagnétiques non-ionisantes qui seront abordées dans cet article. L’essor technologique de notre société implique que nous ayons de plus en plus recours à leurs propriétés pour de nombreux usages, au point qu’elles soient présentes partout dans notre environnement (intime ou extérieur). On parle alors de rayonnement électromagnétique anthropique pour caractériser leur émission.
Les rayonnements électromagnétiques anthropiques, quèsaco ?
Ondes radio, micro-ondes, infrarouges, lumière visible, ultraviolets, rayons X, rayons gamma… Que ce soit dans nos maisons (four micro-onde, plaque à induction, WIFI, etc.) ou notre environnement (antenne relais, transformateurs, lignes électriques, instrument de mesures…), de nombreuses ondes électromagnétiques sont présentes dans notre vie quotidienne. Le déploiement mondialisé des technologies sans fl mobiles et « intelligentes » (ancienne et de nouvelle génération ‒ 5G ‒) et l’internet des objets, expliquent un usage croissant de ces rayonnements.
Depuis quelques décennies, notre exposition aux champs électromagnétiques dans notre environnement ne cesse de s’accroître (Lazaro & al., 2016), au point que l’OMS a reconnu le risque pour la santé humaine des radiations électromagnétiques non-ionisantes (jusqu’à 300 GHz). Pour l’heure, ni l’OMS ni l’OCDE (2020), n’ont signalé les risques indirects actuels ou futurs des rayonnements électromagnétiques anthropiques sur l’environnement naturel. Les rayonnements anthropiques peuvent être classés en deux catégories : la lumière artificielle nocturne (LAN) et les rayonnements électromagnétiques anthropiques (REMA).
La lumière artificielle nocturne
L’impact de la LAN sur la biodiversité s’appréhende de deux façons : (i) la quantité de lumière émise et (ii) la composition. La lumière est une onde électromagnétique capable de vibrer à différentes longueurs d’ondes lui permettant des émissions variables selon le spectre lumineux. D’un point de vue biologique, chaque espèce a une sensibilité propre à une plage de longueurs d’ondes lumineuses. Par exemple : l’abeille a une sensibilité à la lumière développée dans les UV mais écartant les IR (de 300 à 600 nm) alors qu’à l’inverse celle de l’être humain est plus développée dans les IR (380 à 780 nm).
Au-delà de la vision, la lumière agit sur différentes fonctions biologiques telles que la photosynthèse, la régulation hormonale, le cycle circadien ou encore le phototactisme. Or, chaque plage du spectre de la lumière peut s’avérer être impactante pour au moins un groupe biologique : la lumière bleue a un impact sur l’horloge circadienne des araignées, amphibiens, oiseaux, mammifères et la lumière verte influe sur la croissance des plantes, l’activité des crustacés ou le phototactisme de nombreux groupes biologiques (Sordello, 2018).
La plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES, 2017) précise que la lumière artificielle nocturne est un «moteur affectant clairement les espèces nocturnes et dont l’importance augmente en raison de l’urbanisation ». La pollution nocturne est considérée comme un risque potentiel pour les pollinisateurs nocturnes et la pollinisation. Des études menées sur les papillons de nuit (voir Ael n°12) ont mis en évidence que la LAN réduisait la richesse locale des espèces, l’abondance, les taux de transport du pollen et leur alimentation. Mais l’influence de la LAN va plus loin puisqu’elle altère également le comportement des pollinisateurs diurnes.
Les réseaux d’interactions entre les plantes et les pollinisateurs diurnes et nocturnes sont complexes et permettent, au travers des associations trophiques, de transmettre en cascade les conséquences de la LAN. La lumière détourne les pollinisateurs nocturnes des plantes, ces dernières étant moins pollinisées produisent moins de graines et voient leur population diminuer avec le temps, ce qui constitue une ressource alimentaire en baisse pour les pollinisateurs diurnes qui à leur tour diminuent. De façon quantitative, une étude a montré que la LAN altère l’architecture des communautés de pollinisateurs nocturnes et réduit fortement les taux de visite des plantes (62 %), entraînant une baisse significative de la nouaison (13%) de l’espèce cible (Cirsium oleraceum) (Knop & al., 2017).
Le rayonnement électromagnétique anthropique
Si pour l’instant la recherche a peu exploré ce domaine, des études montrent qu’une exposition aux REMA induit des effets négatifs sur les êtres vivants : des arbres (Waldmann-Selsam & al., 2016) aux animaux vertébrés et invertébrés (Cucurachi, & al., 2013 ; Malkemper, & al., 2018). De façon plus exploratoire, des études menées sur les blattes, la mouche à fruit (Drosophila melanogaster), les oiseaux et les mammifères ont révélé que cela affecterait leur développement (retard) et leur reproduction.
De façon générale, les insectes ont été le groupe le plus étudié et sont affectés négativement par le rayonnement électromagnétique (Balmori, 2015). Il a été démontré que les rayonnements émis par les antennes de télécommunication mobile affectent négativement l’abondance et la diversité des pollinisateurs sauvages (Kumar & al., 2020). Des études plus poussées (Adelaja & al., 2021) autour d’antennes de téléphonie mobile à hautes fréquences (800 à 2 600 MHz) ont montré une corrélation entre l’abondance des insectes et le REMA sur une distance de 400 m : une plus grande exposition était liée de façon positive aux abeilles sauvages et aux mouches des abeilles nichant sous terre; de façon négative aux syrphes et guêpes et sans corrélation avec les papillons. L’abondance, la distribution et la diversité des insectes sont affectées par les champs et l’intensité des REMA. Mais comment cela affecte-t-il les insectes ?
Beaucoup d’insectes détectent et s’orientent en utilisant les champs électromagnétiques naturels. La pollution avec les REMA affecterait alors leur comportement notamment sur l’interruption de la magnétoréception (chez la blatte) et de fait leur orientation, leur capacité à localiser la nourriture mais
aussi sur leur locomotion, leur mémoire olfactive et visuelle (fourmis). Mais aussi le développement cellulaire et d’autres fonctions physiologiques (blattes). Ces champs électromagnétiques anthropiques polluant l’environnement et masquant les REM naturels, seraient captés par les insectes et permettraient d’expliquer pourquoi beaucoup d’hyménoptères, et particulièrement l’abeille à miel, sont observés à proximité des antennes.
Fréquence bzzz
L’exposition aux REMA de l’abeille à miel domestique a relativement bien été étudiée et les impacts commencent à être connus. Concernant la biologie de l’espèce, les REMA agiraient négativement sur le taux d’oviposition, augmenteraient la mortalité pendant la nymphose et réduiraient le taux d’éclosion des nouvelles reines.
D’un point de vue cognitif et comportemental, une exposition accrue (jusqu’à 100 μT) a un impact négatif sur l’apprentissage (notamment olfactif pour la reconnaissance des fleurs), sur la mémoire de même que sur les comportements (nettoyage, contact entre individus, augmentation de l’agressivité et perte d’équilibre) et de façon générale sur la cognition chez les ouvrières d’abeilles domestiques. Ainsi, le butinage sur les plantes à fleur basse est moins efficace, la fréquence de battement des ailes augmenterait, le comportement acoustique (équilibre) serait affecté.
Enfin, la navigation et l’orientation des abeilles ne sont plus aussi précises, notamment lors de smog électromagnétique qui les rend incapables de retrouver le chemin de la ruche. Il a également été démontré que cette pollution induit un comportement d’essaimage. L’ensemble de ces modifcations biologiques et comportementales participe à la diminution de la force voire de l’efondrement des colonies.
Et maintenant, que faire ?
Les effets concernant la pollution à la lumière artificielle nocturne commencent à être bien cernés. À moins d’une extinction complète (à noter que de plus en plus de municipalités optent pour un éclairage absent en période estivale), il n’y a malheureusement pas de bonne solution permettant de combiner l’usage des lumières artificielles nocturnes pour notre société et la préservation des pollinisateurs. Un compromis résiderait dans l’emploi de lumières ambres/oranges et sur un spectre étroit ce qui aurait alors peu d’impact. La diminution des effets dus à l’exposition au rayonnement électromagnétique anthropique sur les pollinisateurs est plus problématique à appréhender. À défaut d’un arrêt total de leur usage — ce qui semblerait impossible au regard de notre dépendance — trois pistes pourraient être explorées : (i) la diminution de l’intensité des rayonnements en dessous de 1V/m afin d’en limiter l’impact, (ii) l’utilisation conjointe d’antennes par plusieurs fournisseurs afin d’en limiter le nombre et (iii) d’éviter leur déploiement dans les espaces naturels à forts enjeux. Ces deux actions permettraient une régulation de l’intensité des rayonnements électromagnétiques.
Il est important de préciser dans ce panorama de la littérature scientifique, qu’un certain nombre d’études soulignent l’absence d’effets — voire des effets positifs — corrélés aux rayonnements électromagnétiques radiofréquences anthropiques. C’est pourquoi, sur la base de quelques études expérimentales menées en laboratoire, peu de preuves de l’exposition aux REMRA ont été rapportées et qui permettraient de tirer un consensus sur l’influence des REMA. De plus, l’évaluation de l’exposition chronique aux REMA doit tenir compte des effets synergiques découlant d’autres facteurs de stress tels que les pesticides, agents pathogènes, malnutrition, etc., qui ne sont pas considérés dans les études (Kumar & al., 2020). Par exemple, l’effet conjoint de pollutions par les pesticides et les REMA dégraderait considérablement l’état de santé des colonies.
De plus, pour comprendre l’exposition et les effets, il faut tenir compte des caractéristiques des espèces de pollinisateurs, telles que les habitudes de nidification, le comportement de recherche de nourriture ou de dispersion et la socialité, qui régissent le niveau d’impact des différentes sources de DME anthropiques (Potts, & al., 2016). Quoi qu’il en soit, le rayonnement électromagnétique anthropique doit désormais être sérieusement considéré comme un facteur complémentaire du déclin des pollinisateurs, même s’il n’est pour l’heure pas quantifié (Balmori, 2021). Ce champ de recherche doit être approfondi pour mieux cerner l’impact et les mécanismes des REMA sur les pollinisateurs.
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Article rédigé par Simon Caubet, à retrouver dans le seizième numéro de la revue Abeilles en liberté.
Oui, les amis, vous avez raison de vous en préoccuper car comme le disait un radio amateur de ma connaissance
» nous ne savons rien du long terme car n’avons qu’une génération d’humains exposés, ces ondes ( lire cette modulation) n’existent que depuis 1971 »
l’accélération de toutes ces diffusions est inquiètante
à titre indicatif , ce même radio amateur arrivait à joindre un de ses amis de Dijon à Salins les bains avec 0,1 Watt de puissance ,
c’est totalement impoosible aujourd’hui , il faut déployer 20 fois plus pour passer tout ce brouillard éléctro magnétique .
alors quel effet sur des organismes aussi petit ???
certainement pas rien !
à votre écoute