Depuis Janvier 2018, une série d’études sur l’observation de la biodiversité et le suivi de ruches domestiques en milieu urbain venait bousculer le débat sur l’implantation exponentielle des ruches en ville.
Avec La diversité des abeilles parisiennes puis La ville, un désert pour les abeilles sauvages ? *, la biologiste écologue Isabelle Dajoz (* en collaboration avec Lise Ropars et Benoit Geslin) confirmait les conclusions de l’étude britannique Conserving honey bees does not help wildlife menée par un groupe de chercheurs de l’Université de Cambridge : « Apis Mellifera« , dite Abeille domestique, prendrait dans certaines métropoles une place prépondérante dans la biodiversité locale, notamment face à la diminution de la présence des espèces d’abeilles sauvages.
De nombreuses rédactions généralistes s’emparent alors du sujet, mais le contenu de l’étude n’est que rarement partagé. Nous vous proposons donc de vous plonger au cœur de la réflexion soulevée au sein de l’une de ces études.
La ville, un désert pour les abeilles sauvages ?
« Les milieux urbains sont en expansion constante et sont parfois considérés comme des déserts de bio‑diversité. Pourtant, une certaine biodiversité existe en ville et les pratiques de gestion émergentes dans les milieux urbains peuvent aider à son maintien. C’est notamment le cas pour les abeilles sauvages (super‑famille des Apoidés Apiformes) où des études de plus en plus nombreuses montrent qu’une biodiversité non négligeable d’abeilles peut être présente dans les centres urbains denses. Nous relayons ici les résultats de certains de ces articles qui, avec des méthodes et des intensités de piégeages différents, montrent tous que les villes peuvent héberger des assemblages relativement diversifiés d’abeilles sauvages.
Nous apportons également de nouvelles données sur la faune d’abeilles de Paris intra‑muros. Lors d’une campagne de terrain de deux ans dans sept localités de Paris nous avons capturé 360 spécimens d’abeilles sauvages appartenant à 51 espèces différentes. Cette nouvelle campagne porte la richesse spécifique de Paris intramuros à 67 espèces. Bien que cet assemblage ne regroupe que 6.9 % des espèces de la faune Française et montre des caractéristiques d’une communauté affaiblie (faible abondance d’espèces cleptoparasites, sur‑dominance d’espèces de la famille des Halictidae), certaines des localités Parisiennes échantillonnées présentent une diversité d’espèces relativement élevée, qu’il est important de préserver afin de garantir la pérennité des communautés de pollinisateurs dans le contexte actuel de croissance des milieux urbains. Des pratiques de gestions émergentes au sein des villes comme l’implantation massive d’abeilles domestiques (près de 700 ruches dans Paris intramuros), pourraient néanmoins fragiliser ces communautés.
L’impact humain sur la biosphère est fortement relié à la croissance des villes : à l’échelle mondiale, plus de 50 % de la population humaine vit en ville (Grimm, 2008) et les territoires urbanisés sont en expansion rapide (UNFPA, 2007). Les villes sont caractérisées par la modification extrême du milieu qui les supporte, ce qui a des conséquences importantes sur la composition et la biodiversité de leur cortège d’espèces (Kinzig & Grove, 2001). Les faunes et flores urbaines supportent des stress importants dus aux pressions imposées par cet écosystème particulier (Alberti, 2015). De manière générale l’urbanisation est une des causes majeures de la perte de biodiversité à l’échelle mondiale (McKinney, 2008) avec pour conséquence principale une homogénéisation biotique (Clergeau et al., 2006).
Les insectes pollinisateurs ne sont pas épargnés par ce phénomène : leur déclin est observé au niveau mondial et l’urbanisation est, avec l’intensification agricole, une des causes majeures de ce déclin (Goulson et al., 2015). Cependant, les milieux urbains sont également moins exposés aux pesticides et certaines pratiques de gestion (fleurissement des parcs) permettent un maintien des ressources florales toute l’année (Baldock et al., 2015). Il en résulte une situation paradoxale et certains auteurs ont souligné que les milieux urbains seraient des habitats relativement favorables pour la faune pollinisatrice (Hall et al., 2016), notamment pour les abeilles sauvages (Fortel et al., 2014, ; Baldock et al., 2015).
Dans Paris intra‑muros, une campagne d’échantillonnage, menée dans trois parcs urbains avait inventorié 44 espèces d’abeilles sauvages au cours d’une seule saison de capture (Geslin et al. 2016a). Cependant, la faune de Paris pourrait être plus diversifiée et c’est pourquoi nous présentons ici les résultats d’une nouvelle campagne d’échantillonnage. Les objectifs de cet article sont donc doubles: (i) nous chercherons à faire le point sur les connaissances que nous avons de la biodiversité des pollinisateurs en ville – avec un focus sur les abeilles sauvages – et (ii) nous présenterons nos nouveaux résultats relatifs à la diversité du cortège d’espèces d’abeilles sauvages présentes dans Paris intra‑muros. »
Continuez votre lecture et accédez ci-dessous à l’intégralité de l’étude La ville, un désert pour les abeilles sauvages ? par Lise Ropars, Isabelle Dajoz et Benoit Geslin :